La nouvelle façon de créer de la valeur au sein des entreprises a donc beaucoup à voir avec le fait d’apprendre ensemble. Il s’agit donc d’engager “l’interaction créatrice” entre des acteurs. Cette conception de la valeur veut concilier les deux registres : la valeur d’avoir et la valeur d’être : invitation pour chacun à s’investir dans une démarche de progrès, mais aussi perspective de transformation des organisations permettant des “attitudes de vie” enrichissantes aux plans individuel et collectif.
L’époque dans laquelle nous vivons a cela de paradoxale : tout va de plus en plus vite, les organisations demandent à la fois plus d’autonomie, plus d’implications, plus de prises de responsabilités. Ils nous faut sans cesse être plus informés et plus réactifs. L’autre, quel qu’il soit, dans l’organisation ou à l’extérieur de l’organisation, devient notre secoueur à idées, notre « pense-bête ».
Ne nous méprenons pas : travailler avec l’autre, agrandir son réseau relationnel n’a pas pour unique vocation de faire atteindre les objectifs à l’entreprise, de faire du business ou de rester à l’affût des opportunités de postes. L’autre nous secoue les neurones parce qu’il est différent et qu’il nous apporte d’autres points de vue, d’autres mécaniques de réflexions. Il nous amène à déplacer notre regard sur le même événement, la même situation le même problème, pour l’envisager sous d’autres angles. Il ne nous donne pas forcément les solutions, mais il ouvre chez nous des perspectives, des reculs, une relecture de nos objectifs par rapport aux moyens à mettre en oeuvre. Il nous ouvre aussi à la possibilité de potentiels inexploités chez nous, dont nous ne soupçonnions même pas l’existence tout simplement en accueillant réellement ce qu’il y a d’infiniment neuf dans chaque expérience, d’infiniment original dans chaque personne, sans s’occuper de se protéger du réel, ou en passant son temps à évaluer, jauger, critiquer l’autre.
Soyons convaincu que le discours intérieur que l’on se tient parasite notre propre attention et notre capacité d’action. Il agit comme un filtre entre la réalité et soi et donne des faits qu’une image déformée, partiale et partielle.
Lorsqu’on concentre son attention et son énergie à ruminer sur l’éternelle impuissance des autres à nous satisfaire ou à nous comprendre, nous ne sommes pas disponibles entièrement à ce que nous sommes en train de vivre. On génère un discours sur le présent fait d’interprétations, de distorsions, de jugements, de limitations. On juge le réel pour avoir l’illusion de le contrôler. On juge arbitrairement les personnes qu’on rencontre selon des critères plus ou moins fondés, des grilles d’interprétation diverses et variées. « Tu es comme ceci, tu es cela et on construit en soi l’image qui nous convient de cette personne plutôt que de prendre le temps de la découvrir.
Mais que se passe-il réellement au présent ? Qu’est-ce qui est alors possible et réel
hors de ses pré-occupations, de ses pré-jugés, de ses pré-tensions ? Hors du pré-conçu, du pré-dit, du pré-contraint, du pré-déterminé ?
Comprendre que chacun est un système qui sans cesse se renouvelle, qui sans cesse révise ses comportements pour les adapter aux contraintes des circonstances, qui reconstruit des stratégies pour les rendre toujours plus efficaces et acceptables pour l’autre, qui re-questionne ses pensées, les confronte, qui teste ses valeurs, qui est une conscience et une capacité d’action en mouvement, et qui prend le beau risque de l’évolution continue. Alors « Tu es ceci ou cela » peut devenir « qui es-tu? explique-moi.». André Malraux disait que « la métamorphose du passé commence par la métamorphose du regard », le sien sur soi et le sien sur l’autre.
Vaste travail ! Pas facile… d’autant que nous vivons plus ou prou avec ce sentiment extrême de solitude….