Sandrine Meyfret ,Sociologue consultante, directrice associée du cabinet Alomey
Les Echos Week-End – Comment s’est construit le modèle du couple à double carrière ?
Sandrine Meyfret – C’est un phénomène récent. Quand j’ai commencé mon étude en 2006, le sujet n’intéressait personne. Il va de pair avec la généralisation, depuis une quinzaine d’années, de l’accession des femmes à des postes à responsabilités. Avant elles, des pionnières avaient ouvert la voie. Souvent dans la douleur. Mais, mis à part quelques exceptions, la plupart des femmes de la génération des 60 ans et plus, réussissant dans l’entreprise, étaient soit célibataires et sans enfants, soit mariées à un homme plus en retrait.
Comment ces couples gèrent-ils leur quotidien ?
S. M. – Ils ont « inventé » le concept de « double agenda » où sont notés plus ou moins formellement les plans de charge de chacun. Ils ont aussi été les premiers à oser caler leur agenda professionnel sur leurs contraintes familiales qui sont partagées ou déléguées selon des schémas variables. Plus flexibles sur leurs horaires professionnels, ces couples font rentrer, plus souvent que la moyenne, le travail à la maison. Ils ont installé la notion de « temps de carrière ». L’un des deux acceptant, au besoin, de mettre son évolution professionnelle en retrait. Sans que ce soit toujours Madame qui se sacrifie.
Le modèle est-il voué à se généraliser ?
S. M. – Pour les jeunes de la génération Y qui n’ont connu que l’école de la mixité, la double carrière est une évidence. La question se pose pourtant à l’arrivée du premier, voire du deuxième enfant. Certains couples peuvent alors basculer dans un schéma traditionnel. Preuve que le modèle est fragile. Si l’entreprise veut réussir à féminiser sa hiérarchie, elle a la responsabilité de favoriser l’émergence de ces couples en leur offrant la flexibilité nécessaire.
Auteure de « Le couple à double carrière », Editions Connaissances et Savoirs.